
Le sens profond du jeûne
Nous définissons le jeûne, à juste titre, comme étant le renoncement volontaire et temporaire à la satisfaction des appétits charnels. Cette définition ne représente en réalité qu’une entrée en matière et ne peut être tenue pour exhaustive. Se fixer sur cet aspect serait inopérant et ne permettrait pas d’atteindre les visées pédagogiques souhaitées de cette noble adoration, ni même envisager une thérapie spirituelle de fond en se focalisant exclusivement sur l’abstention relative aux désirs du corps. Observer l’abstinence de ce qui est licite en dehors des périodes de jeûne tend à renforcer l’éveil des sens et plus fondamentalement la conscience. Autrement dit, il faut rechercher, à travers cette diète prescrite, à rehausser son niveau de vigilance surtout vis-à-vis de ce qui est détestable en Islam. Parvenir à développer toute son acuité et affûter l’œil de son cœur est le pivot central de la pratique du jeûne. Polariser son énergie sur l’abstinence, c’est en réalité une opération à double flux : entrant et sortant. Le jeûneur est attentif à ce qui entre dans son corps comme à ce qui en sort.
« Celui qui n’abandonne pas les propos mensongers disait le Prophète ﷺ, Dieu n’a que faire de sa privation de nourriture et de boisson »
En d’autres termes, rien ne sert de s’appesantir sur les aliments qui pénètrent le tube digestif si l’on ne purifie pas sa langue du mensonge, des obscénités, des injustices et de toutes autres formes d’indécences. On pourrait en dire autant avec la vue, l’ouïe et le reste des sens. C’est en cela que certains prédécesseurs répétaient que la partie la plus simple du jeûne c’est de s’abstenir de boire et de manger. Au-delà de l’attention portée sur les attirances de son propre corps, le jeûne nous convie à nous affranchir de nos préoccupations personnelles afin d’orienter notre dynamisme vers son prochain. Il s’agit là d’un niveau supérieur mais la consécration ultime c’est de libérer totalement son esprit, si ce n’est de Dieu. Apprendre à son cœur à se déprendre de la tentation des différentes idoles, y compris celle de son « moi » : voici l’ambition profonde du jeûne.
